Le 20 janvier 2025
En ingénierie, l’innovation est souvent incrémentale, elle procède par petites avancées successives. Et, parfois, elle fait un bond en avant spectaculaire. Un exemple concret : la machine à laver. Deux nouvelles solutions logicielles de GEA, lancées en septembre 2022, rompent avec les conventions et apportent des gains d’efficacité considérables pour le procédé gourmand en ressources qu’est la filtration membranaire.
Les protéines de lactosérum ont vu leur destinée changer au cours des ans. Pendant des millénaires, elles ont largement été traitées comme des déchets de la fabrication de fromage. Ce n’est plus le cas. Elles sont aujourd’hui très appréciées des consommateurs, jeunes et moins jeunes, qui y voient une source pratique de protéines biodisponibles pour créer de la masse musculaire, gérer leurs poids ou renforcer leurs os, leurs défenses immunitaires ou la santé de leur peau, pour ne citer que quelques-uns de leurs avantages. La demande a grimpé en flèche. En 2022, le marché des protéines de lactosérum a été estimé peser près de 20 milliards de dollars et devrait, selon les prévisions, doubler d’ici 2032.
GEA Smart Filtration CIP et GEA Smart Filtration Flush sont des solutions numérique qui optimisent les processus de nettoyage au sein d’une unité de filtration membranaire GEA (osmose inverse). (Image : GEA)
À partir de 2020, les ingénieurs de GEA Nils Mørk et David Mikkelsen, ainsi qu’une équipe du Centre de compétences de GEA pour les technologies de filtration membranaire, ont commencé à développer deux solutions numériques, qui réduisent aujourd’hui radicalement l’eau et l’électricité nécessaires pour le nettoyage des membranes. Ces deux solutions sont désormais en instance de brevet. « Je pense que je pourrais dire que nous nous sommes inspirés d’une machine à laver, » dit N. Mørk avec un sourire. Au lieu de faire tourner constamment le linge, les machines à laver écoénergétiques d’aujourd’hui comportent des intervalles de repos, qui permettent de conserver la puissance, une approche similaire au fonctionnement envisagé, qui a amené l’équipe à la découverte qui est à l’origine de la solution NEP Smart Filtration qui remplace le processus NEP standard. « Cela fait des dizaines d’années que pour nettoyer les membranes de filtration l’on applique une pression maximale continue sur les membranes pour obtenir des forces de cisaillement élevées et un flux de rinçage puissant pour optimiser le lavage mécanique, » explique N. Mørk. « Nous avons remis en question l’idée selon laquelle il faudrait une contrainte brute élevée pour un nettoyage efficace et complet. » Leur conclusion a été qu’il fallait utiliser un logiciel pour faire fonctionner les pompes à pression en mode pulsatoire et non plus en continu. « Le résultat est que le processus NEP conserve son efficacité tout en consommant bien moins d’électricité. »
L’équipe du Centre de compétences pour les technologies de filtration membranaire a été formée pour développer les logiciels Smart Filtration CIP et Smart Filtration Flush. (Image : GEA)
Considérable pourrait bien être une litote. À efficacité de nettoyage égale, le logiciel Smart Filtration CIP utilise jusqu’à 46 % moins d’énergie. Pour une installation de protéines de lactosérum de grandes dimensions, qui effectue un cycle NEP une fois par jour, cela se traduit par des économies d’énergie de jusqu’à 400 kWh par jour, soit près de 150 000 kWh par an, de quoi alimenter près de 40 ménages allemands pendant un an.
De plus, rendre pulsatoires les cycles de nettoyage diminue l’énergie nécessaire pour maintenir les températures, ce qui signifie que le NEP consomme bien moins d’eau de refroidissement. « Si vous n’ajoutez pas 400 kilowatts, vous n’avez pas à éliminer 400 kilowatts de chaleur, » dit Mads Bjerre Andersen, Responsable technico-commercial, Technologies de filtration membranaire, chez GEA. « C’est un autre excellent exemple des gains d’efficacité réalisés et nous voyons des clients qui reviennent et choisissent les solutions GEA, car avec nous les dépenses d’exploitation sont maintenant bien plus basses qu’avec la concurrence. »
Le logiciel partenaire de la solution Smart Filtration CIP est Smart Filtration Flush, qui gère le rinçage de l’équipement de filtration. « L’approche traditionnelle consiste à déterminer la durée du cycle de rinçage en fonction du volume d’eau utilisé. Comme elle est basée sur des données passées, elle reste approximative et donc sous-optimale, » explique D. Mikkelsen. Grâce à une technologie de capteurs moderne, le nouveau logiciel de l’équipe mesure les propriétés du produit en temps réel, ce qui permet aux opérateurs de savoir exactement quand le rinçage des flux de process individuels est suffisant. Dès que les résultats sont là, le processus s’arrête. « Le temps de rinçage et le volume d’eau sont optimisés sur la base de mesures en ligne réelles, pas en fonction du volume d’eau utilisé, » dit D. Mikkelsen.
Là encore, les résultats sont impressionnants. Le logiciel réduit la consommation d’eau douce durant le NEP de jusqu’à 52 % par rapport aux systèmes de filtration membranaire conventionnels. « Un process de concentration de protéines de lactosérum type a besoin de deux à quatre installations de filtration interconnectées, un agencement qui peut requérir plus de 100 000 litres d’eau par cycle de nettoyage, » explique D. Mikkelsen. « Aujourd’hui, nous savons des tests effectués sur des installations que nous pouvons économiser jusqu’à 50 000 litres d’eau par nettoyage dans les installations de grandes dimensions, et 500 à 700 litres par NEP pour les petites productions. » En utilisant le logiciel, une unique grosse installation pourrait ainsi économiser jusqu’à 100 000 litres par jour, soit près de 36 millions de litres par an, assez pour alimenter 400 foyers allemands. « Un rinçage plus efficace signifie aussi qu’il faut moins de temps pour le NEP, ce qui se traduit en un temps utilisable supérieur pour la production, » dit D. Mikkelsen. « Un apport en eau inférieur signifie aussi une charge hydraulique plus basse sur le système des eaux usées. »
La laiterie d’Ammerland dans le nord de l’Allemagne produit, entre autres, plus de 400 tonnes de fromage par an.
Cette avancée de taille est un exemple emblématique qui illustre comment exploiter la puissance de la numérisation peut aboutir à des innovations qui permettent d’économiser des ressources, un objectif fondamental de la stratégie Mission 2030 de GEA. De telles économies de ressources sont normalement réalisées sous la forme de gains d’efficacité progressifs ; dans ce cas précis, nous sommes plutôt face à un bond en avant spectaculaire. « Il arrive parfois que vous trouviez une solution comme la nôtre et vous réalisez alors que vous pouvez fonctionner avec bien moins d’électricité et d’eau en revoyant avec un œil critique les processus existants, » dit D. Mikkelsen. « La numérisation a été pour nous un don du ciel. Nous tirons désormais bien plus d’informations des pompes, des débitmètres et des autres instruments, ce qui nous permet de comprendre l’effet réel des différentes vitesses et pompes sur la consommation d’énergie et d’eau. Cela a éliminé bien des incertitudes concernant le process et c’est un levier formidable pour booster le rapport efficacité/coûts des ressources pour nos clients. »
L’équipe de GEA a récemment installé les logiciels CIP et Flush dans la laiterie Ammerland dans le nord de l’Allemagne. Figurant parmi les coopératives laitières les plus grosses et les plus modernes du monde, Ammerland produit 400 tonnes de fromage par jour, auxquelles s’ajoutent 60 tonnes de beurre et 160 tonnes de lait en poudre, et exporte la moitié de ses produits dans plus de 60 pays. En avril 2024, le site de production de Wiefelstede d’Ammerland a installé en rétrofit les logiciels Smart Filtration CIP et Smart Filtration Flush de GEA sur trois installations de filtration membranaire pour optimiser le nettoyage de la filtration sur membrane. Y compris sur une de ses installations de filtration membranaire, qui était d’un fournisseur autre que GEA. Au mois de novembre 2024, Ammerland avait réduit sa consommation d’eau de près de 48 % et sa consommation d’énergie de 77 % pour le processus NEP.
« Pensez au nombre impressionnant des installations de filtration membranaire à flux croisés en service dans le monde. Le potentiel total de réduction de la consommation d’électricité et l’impact sur l’environnement sont significatifs, dit N. Mørk, c’est fantastique de voir que cette solution numérique a un impact aussi important sur la consommation d’énergie. »