18 mars 2025
Œufs brouillés préparés à base de protéines d’œuf bio-identiques / Onego Bio
Fortement contagieuse, la grippe aviaire se répand à la surface du globe, rendant le besoin d’alternatives non animales se prêtant à une production industrielle plus pressant que jamais. Les œufs – et les poules, les canards et les autres volatiles qui les pondent – sont des mets de prédilection dans de nombreuses traditions culinaires et constituent une source importante et économique de protéines. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (la FAO) estime que la production mondiale d’œufs a grimpé de 150 pour cent au cours des trente dernières années, principalement en Asie.
Dans ce contexte, l’Organisation mondiale de la santé animale révèle que pendant une période de quatre mois, d’octobre 2024 à janvier 2025, 14,9 millions de volailles ont été abattues ou sont mortes des suites de la grippe aviaire, principalement en Amérique. En plus des cas enregistrés en Europe, le virus a maintenant atteint le Mexique, l’Australie, l’Inde, l’Asie du Sud-Est, la Chine et l’Antarctique. En 2022 déjà, l’USDA estimait que, rien qu’aux États-Unis, la grippe aviaire avait provoqué la perte de 43 millions d’œufs de consommation. Force est malheureusement de constater que le virus se transmet maintenant à des oiseaux sauvages, à des mammifères notamment aux vaches et à d’autres animaux domestiques et, une fois de plus, aux humains – certains cas de mortalité ont même été signalés. Le virus impacte aussi les animaux domestiques et l’industrie des aliments pour animaux de compagnie à cause de la contamination des aliments crus pour animaux.
Ces pertes soumettent les producteurs de volailles à une forte pression économique, provoquent des pénuries d’œufs et font grimper les prix pour les consommateurs, les restaurants et les producteurs de l’agroalimentaire. L’USDA a indiqué qu’en janvier 2025 le prix des œufs était en hausse de 53 % par rapport à janvier 2024. Une autre hausse de 41,1 % est attendue en 2025. Le coût environnemental de cette pandémie et d’autres virus similaires est énorme, si vous prenez en compte la main-d’œuvre, l’eau, les aliments et l’énergie mis en œuvre tout au long de la vie d’un animal, et qui sont donc perdus. Par ailleurs, la disparition d’un si grand nombre d’animaux sauvages a un impact négatif sur la biodiversité mondiale, déjà sous très forte pression.
Ces défis – des coûts économiques aux coûts environnementaux – soulignent à quel point il est nécessaire de mettre au point et de développer à grande échelle de nouvelles alternatives plus durables aux œufs et protéines d’œuf, pour compléter la production d’œufs traditionnelle.
Le premier produit commercial alternatif à l’œuf a fait son apparition sur le marché américain en 2013. L’Asie, l’Europe et les pays du Moyen-Orient ont depuis lors lancé leurs propres substituts d’œufs. Il existe actuellement trois filières permettant de produire des alternatives à l’œuf :
Dans la fermentation de précision, l’ADN des microorganismes est modifié pour les transformer en mini-usines qui produisent des protéines bio-identiques, qui ont les mêmes fonction, saveur, valeur nutritionnelle et applications que les protéines d’œuf. « La fermentation de précision permet aux producteurs de contrôler et d’adapter à la perfection le goût, la texture et d’autres attributs fonctionnels, qui sont essentiels pour une expérience de consommation positive », explique Frederieke Reiners, Vice-Président New Food chez GEA. Ce procédé, qui se base sur la même technique que celle employée pour fabriquer l’insuline humaine pour les diabétiques, est également utilisé dans la production d’alternatives laitières et de protéines de lait au comportement et au goût très similaires à leurs homologues classiques. Le premier produit d’œuf liquide obtenu par fermentation de précision et incluant également des ingrédients à base de plantes, est arrivé sur le marché B2B en 2024. Une notification Generally Recognized as Safe (GRAS) pour une protéine de blanc d’œuf non animale en poudre, obtenue exclusivement par fermentation de précision et destinée au marché B2B, a été déposée auprès de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis et est en phase d’évaluation.
Si les œufs entiers sont un mets prisé par les consommateurs, le blanc d’œuf est largement utilisé dans la production agroalimentaire industrielle, par exemple pour les produits de boulangerie, les crèmes glacées, les pâtes, les suppléments nutritionnels et les alternatives à la viande. À l’heure actuelle, les produits alternatifs aux œufs les plus intéressants sont un substitut de blanc d’œuf fabriqué à partir de levure résiduaire de brasserie recyclée, qui est utilisé comme liant dans les viandes végétales, et un produit liquide composé de protéines dérivées de la fermentation de précision et d’ingrédients à base de plantes. Le blanc d’œuf réel, ou albumen, possède des propriétés liantes importantes pour les aliments et est à l’origine de la structure des produits de boulangerie. Il est toutefois difficile de reproduire ces caractéristiques avec des substituts d’œufs à base de plantes, étant donné que les extraits de plantes ne permettent pas d’obtenir ces propriétés si appréciées, en particulier dans le domaine de la pâtisserie.
Frederieke Reiners
Vice-Président de New Food, GEA
Des producteurs de denrées alimentaires et d’ingrédients s’adressent à GEA pour utiliser sa ligne pilote afin de valider leurs concepts, par exemple dans le nouveau centre de technologie alimentaire de GEA de Hildesheim, en Allemagne. Une installation similaire sera mise à la disposition des clients à Janesville, dans le Wisconsin, en 2025. GEA simule également les réglages des bioréacteurs avec la technologie des jumeaux numériques pour déterminer les paramètres pour une production industrielle avant de fabriquer les fermenteurs. « Valider les cultures de cellules et déterminer leur taux de croissance à l’avance est la clé du succès pour les entreprises qui utilisent la fermentation de précision pour produire des protéines alternatives », affirme Reiners. « Notre service et notre expertise aident les clients à minimiser les risques et le montant de leurs investissements. Ils franchissent les premières étapes-clés de la production sans devoir financer des installations pilotes en propre. »
Au vu de toutes ces innovations, où en sont les consommateurs sur le sujet des alternatives aux œufs ? Dans son rapport 2023 sur l’état de l’industrie des substituts végétaux, le Good Food Institute (GFI) soulignait le déclin de catégories émergentes, comme les œufs végétaux, en 2023. Les ventes à l’unité ont au contraire augmenté de 25 pour cent en 2022, suggérant que l’inflation avait joué un rôle dans la diminution des volumes de vente en 2023. Sur le long terme, le marché des substituts aux œufs devrait atteindre un taux de croissance annuel composé (CAGR) de 17,5 pour cent entre 2023 et 2033, selon Future Market Insights.
L’adhésion des consommateurs et leur intérêt pour les alternatives aux œufs obtenues par fermentation de précision semblent prometteurs. D’après les conclusions d’une étude publiée en 2023 dans le journal Frontiers in Sustainable Food Systems par Thomas et. al., il y a aux États-Unis, en Allemagne et à Singapour, une forte volonté (plus de 50 pour cent) d’essayer les œufs produits par fermentation de précision. Les motivations varient, le bien-être animal et la réduction des antibiotiques étant plus souvent évoqués en Allemagne, tandis que les aspects sanitaires, comme l’absence de cholestérol dans les œufs obtenus par fermentation de précision, attirent davantage les consommateurs interrogés à Singapour et aux États-Unis.
En 2023, le GFI et Accenture ont mené une étude similaire en France, en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Les résultats publiés dans le rapport 2023 du GFI sur l’industrie de la fermentation, indiquent des niveaux comparables concernant la volonté d’essayer les œufs produits par fermentation de précision, de l’ordre de 50 % également. Les consommateurs ont été invités à faire part de leurs perceptions de certains termes et descriptions d’aliments produits par fermentation de précision. Leurs réponses montrent que la clé réside dans le langage employé pour décrire et expliquer les produits et les procédés de production. Les participants de plusieurs pays ont déclaré être prêts à essayer et à acheter des produits obtenus par fermentation de précision, mais demandent que les procédés leur soient expliqués en termes simples, avec des « exemples pertinents » de microorganismes hôtes et d’ingrédients produits. Ils veulent également avoir la certitude que le produit final est identique au produit traditionnel. Toutefois, et c’est sans doute un des points essentiels, les résultats révèlent que la fermentation de précision reste peu connue.
La hausse de la demande d’alternatives aux œufs peut contribuer considérablement à réduire l’empreinte carbone de la production agroalimentaire et, en même temps, alléger les problèmes de santé, de sécurité alimentaire et d’allergie. La fermentation de précision nous offre les moyens de diversifier nos chaînes alimentaires, notamment pour la production d’œufs, et d’en renforcer la résilience. La prochaine étape est le passage à la production commerciale d’alternatives aux œufs et d’ingrédients savoureux et nutritifs, à des prix bien étudiés. Et c’est précisément ici que GEA peut apporter sa pierre à l’édifice : Grâce à ses installations d’essais et à son vaste savoir-faire en matière de procédés alimentaires, GEA aide les start-up et les producteurs d’ingrédients à amener plus rapidement ces produits durables sur le marché.
Pour garantir que ces produits arrivent sur les tables, les pays devront supprimer certains obstacles réglementaires. Et il est tout aussi évident que le secteur devra redoubler d’efforts pour convaincre les consommateurs, en les informant et en démystifiant les procédés et les protéines alternatives.