Qu’est-ce que l’agriculture cellulaire et comment
pouvons-nous la maximiser ?

18 Apr 2022

Qu’est-ce que l’agriculture cellulaire et comment pouvons-nous la maximiser ?

L’ingénierie tissulaire est employée pour fabriquer des produits cultivés à base de cellules comme ce nigiri de saumon. Photo de Wildtype / CC BY.

Le World Resources Institute estime que la demande mondiale de viande de bœuf et d’autres ruminants pourrait augmenter de 88 % entre 2010 et 2050, emmenée par une classe moyenne et une population mondiale grandissantes, cette dernière devant atteindre 10 milliards d’ici 2050. Pour répondre aux besoins alimentaires à l’avenir, la FAO indique que la production d’aliments devra augmenter de 70 %. Parallèlement à cela, les préférences des consommateurs changent car les gens font des choix toujours plus réfléchis en matière d’alimentation.

L’agriculture cellulaire est un pilier-clé dans le secteur en rapide hausse des nouveaux aliments, qui inclut aussi les alternatives à base de plantes, de microorganismes et d’insectes. Vouée à croître rapidement dans les dix ans à venir, l’agriculture cellulaire jouera un rôle important pour satisfaire les besoins futurs en matière de nutrition tout en diminuant la pression sur les systèmes de production alimentaire actuels et dur l’environnement.

Principe de fonctionnement

L’agriculture cellulaire utilise des cellules individuelles de plantes et d'animaux, ou des organismes unicellulaires pour fabriquer des produits agricoles. Il peut s’agir de viandes, de fruits de mer, de produits laitiers et d’autres aliments riches en protéines ou encore d’ingrédients fonctionnels, qui sont produits grâce à l’ingénierie tissulaire ou à la fermentation de précision, ce qui évite de devoir « cultiver » des animaux ou des plantes entiers.

L’ingénierie tissulaire est employée pour fabriquer de la viande, des fruits de mer et du lait cellulaires ou de culture. Pour produire de la viande et des fruits de mer cellulaires, des cellules souches naturelles ou génétiquement modifiées sont prélevées sur un animal vivant et cultivées dans des conditions riches en nutriments dans un bioréacteur, en utilisant les mécanismes de croissance et de réparation de la nature. Les cellules se différencient en plusieurs types de cellules (de muscle ou de graisse) puis sont cultivées sur un support ou traitées ultérieurement sous forme de viande hachée.

Une méthode similaire est utilisée pour produire du lait cellulaire. Dans ce cas, les cellules mammaires sécrétrices sont immobilisées dans un bioréacteur à fibre creuse. Le résultat est que ces cellules sécrètent du lait entier qui a le même profil macro nutritif que le lait maternel humain ou de vache, selon la source des cellules.

La fermentation de précision s’ajoute aux méthodes reconnues déjà largement utilisées par les industries agroalimentaire et pharmaceutique. Le procédé consiste à prendre le gène qui code, par exemple, une protéine cible provenant d’un organisme donneur, par exemple une vache, et à l’insérer dans l’ADN d’un hôte. L’hôte, qui est en général un organisme unicellulaire tel qu’une bactérie ou de la levure, est cultivé dans une cuve de fermentation, ce qui l'amène à produire la cible en grandes quantité. La protéine résultante est séparée des cellules hôtes, purifiée et, normalement, séchée pour créer une poudre, qui peut être utilisée en tant qu’édulcorant, qui est un ingrédient des crèmes glacées basées sur les produits laitiers, ou collagène, par exemple.

De manière similaire, la fermentation de précision est utilisée dans la production de composants végétaux tels que l’hème de soja. Dans ce cas, l’ADN est prélevé sur un plant de soja te inséré dans de la levure par génie génétique. À la suite de la fermentation, l’hème de soja, qui est similaire à un hème animal, peut être utilisé dans des succédanés de viande pour conférer une couleur rouge ou rosée, une texture et un goût qui ressemblent à ceux de la viande.

La même méthode peut être appliquée pour fabriquer des enzymes, de la soie et du cuir, qui sont également à base de protéines, ou pour créer des ingrédients non protéinés tels que des matières grasses ou des oligosaccharides du lait humain pour le substitut du lait maternel.

La fermentation permet une production efficace d’hème de soja (la léghémoglobine) qui est de plus en plus utilisée dans la production alimentaire industrielle

La fermentation permet une production efficace d’hème de soja (la léghémoglobine) qui est de plus en plus utilisée dans la production alimentaire industrielle. Cette avancée évite la culture de nodules de soja, ce qui limite la libération du carbone stocké dans le sol et l’érosion de ce même sol. Image : Aliments impossibles

Quels sont les avantages ?

L’agriculture cellulaire a le potentiel de fournir les nutriments et d’autres produits non alimentaires que notre population grandissante requiert, sans empiéter davantage sur les terres ni épuiser nos ressources naturelles.

Étant donné que les processus de production se font dans un environnement contrôlé et sont largement basés sur des technologies établies, les avantages sont considérables. Les aliments issus de l’agriculture cellulaire :

  • ont un indice de consommation élevé et se distinguent par des profils de nutrition similaires ou identiques ;
  • sont conformes à de hautes normes en matière de consistance, de sécurité et d’hygiène ;
  • assurent une sécurité alimentaire accrue car ils sont indépendants des changements saisonniers et climatiques ; 
  • évitent les antibiotiques animaux, ce qui minimise la résistance antimicrobienne (RAM) ;
  • permettent de sélectionner des lignes de cellules d’animaux présentant les meilleurs caractères ou d’espèces difficiles à cultiver ou à risque d’extinction ;
  • permettent d’éviter les composants peu sains ou susceptibles de causer des réactions allergiques (par ex., matière grasses saturées, lactose).
Quels sont les enjeux ?

Atteindre une capacité de production industrielle et la parité de prix pour les produits issus de l’agriculture cellulaire exige de surmonter certaines difficultés spécifiques.

Pour l’ingénierie tissulaire, il faut pour cela :

  • abaisser les coûts matériels en utilisant la fermentation de précision pour produire des composants de milieu de culture (par ex. des peptides), en recyclant les milieux et en utilisant des lignes de cellules moins exigeantes ; 
  • augmenter le rendement de la production en concevant les bioréacteurs en fonction d’objectifs précis, qui soient évolutifs et minimisent les dommages cellulaires.

Pour la fermentation de précision, cela veut dire :

  • améliorer la productivité et la rentabilité de l’hôte ;
  • réduire les exigences de stérilité pour abaisser les coûts de production ;
  • recycler la chaleur métabolique et capturer le CO2 afin de les réutiliser pour accroître le rendement énergétique et minimiser les émissions de gaz à effet de serre.
Comment est-il possible de maximiser le rendement ?

Atteindre le plein potentiel de l'agriculture cellulaire prendra des décennies, mais il y a des mesures que nous pouvons d’ores et déjà mettre en œuvre pour accélérer cette évolution. L’une d’elle consiste à se fixer des objectifs réalisables, par exemple en commençant avec des souches de levure déjà autorisées dans les procédés de fermentation de précision. Une autre mesure consiste à miser sur des produits hybrides, qui combinent des composants à basse de cellules avec des aliments végétaux, les premiers améliorant le goût, la consistance et la valeur nutritive des seconds. Par ailleurs, des supports de champignons et végétaux peuvent être utilisés pour cultiver des cellules de muscle, ce qui réduit les coûts de production.

Au niveau macro-économique, les agences de règlementation devraient s’intéresser sans attendre aux éléments requis pour lancer de nouveaux aliments sur le marché avant même que ces aliments ne commencent à être commercialisés. Cela serait avantageux pour toutes les parties prenantes et cela améliorerait l’efficacité et la vitesse avec lesquelles ces produits pénètreront sur le marché. Un autre facteur évident et important est d’investir davantage dans des start-up et des entreprises qui se consacrent à l’agriculture cellulaire pour accélérer la recherche et le développement et favoriser la montée en échelle de la production, et veiller à ce que des énergies renouvelables soient utilisées tout au long des procédés.

Enfin, il faut construire la confiance des consommateurs dans ces produits pour en augmenter la consommation. Tout cela requiert une communication transparente et régulière sur la façon dont ces produits sont fabriqués et sur leurs liens avec les aliments et les médicaments que les gens consomment ou dont ils dépendent chaque jour, qu’il s’agisse de fromage ou d’insuline.

Selon des prévisions de McKinsey & Co, par exemple, les coûts de la viande de culture devraient par exemple atteindre la parité avec la viande produite de manière traditionnelle d’ici 2030. Tout cela signifie que c’est maintenant qu’il faut s’intéresser à toutes ces questions !

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